lundi 6 mai 2013

Cliffhangers ou comment les français ont préféré des fins heureuses

ATTENTION !
Les extraits de la version japonaise de cet article ne sont pas tirés de la version originale diffusée en 1982 au Japon. Ils proviennent de la version japonaise de 1998 dont la bande son a été réenregistrée.
En ce qui concerne les extraits de cet article, il n'y a pas de différence notable entre les deux versions. 




Quand les français sont arrivés sur le projet des Cités d'Or, les japonais étaient déjà en train de produire 6 épisodes de la série.
Les français ont retouché le montage de ces épisodes.


Nous avons déjà vu dans un article consacré à la bande son, comment les français ont changé le montage d'une scène de l'épisode 1.
Dans cet article, je vais uniquement m'attarder sur les changements de montage que les français ont effectué sur la fin des épisodes.

Pour savoir ce que nous avons perdu dans l'adaptation, je vous propose plusieurs vidéos dans cet article.
Attention ! Toutes ces vidéos ne sont composées que d'extraits. Les scènes de fin sont beaucoup plus longues en réalité, mais j'ai préféré n'en garder que l'essentiel pour ne pas alourdir l'article.



Ceci étant dit, pour savoir ce que nous avons perdu dans l'adaptation, je vous propose de voir la fin du 1er épisode dans les deux versions :



A la fin du 1er épisode, Esteban apeuré s'approche d'une caisse qui bouge toute seule. Après un petit suspense, Zia en sort comme un diable de sa boîte.

Dans la version originale japonaise, l'épisode se termine par cet événement étonnant. Comme son héros, le téléspectateur est surpris et se demande : Pourquoi Zia est-elle prisonnière et qui l'a emprisonnée ?
Le réalisateur Hisayuki Toriumi clôt l'épisode avant de donner des réponses. Son but est de frustrer le téléspectateur pour le pousser à regarder le prochain épisode.
C'est ce qu'on appelle un cliffhanger.

Dans la version française, l'épisode continue après cette scène, avec des images qui n'existent pas dans la version japonaise. Sur le pont du bateau, Mendoza regarde le soleil se lever et, dans la cale, les deux enfants observent les nuages qui prennent des formes de sculptures incas.
La scène est poétique, mais elle s'enchaîne mal avec la précédente. En effet, il y a quelques instants, Esteban était effrayé en découvrant une jeune fille ligotée qu'il ne connaît pas. Maintenant, il est tout à fait calme et, au lieu de poser des questions à Zia, il va regarder le ciel avec elle. Le téléspectateur assiste donc à une scène sans aucun rapport avec ce qu'il attendait.
Pire encore, le téléspectateur peut se poser de nouvelles questions : Pourquoi les enfants voient-ils ces formes dans les nuages et que signifient-elles ?
Et pour ces questions, il ne trouvera pas de réponse en visionnant l'épisode suivant.




Pour savoir ce que nous avons encore perdu dans l'adaptation, je vous propose de voir la fin du 4ème épisode dans les deux versions :



Dans cet épisode, les héros de la série ont dérivé plusieurs jours sur un radeau.

Dans la version originale japonaise, l'épisode se termine au moment où les personnages aperçoivent l'île de Tao. D'étranges créatures, des iguanes, apparaissent pour les accueillir.
Cette mise en scène inquiétante indique au téléspectateur que nos héros sont loin d'être sortis d'affaire et que cette île est pleine de dangers. C'est encore un cliffhanger.


Dans la version française, le cliffhanger japonais a été coupé. A la place, les français ont mis le début de l'épisode suivant avec les personnages qui arrivent sur l'île. Ils ont d'ailleurs ajouté un plan de danse qui n'existe pas dans la version japonaise et qui clôt la version française.
Cela donne une fin heureuse, ce qu'on appelle en anglais "happy ending" (et non pas "happy end").




Pour savoir ce que nous avons perdu dans l'adaptation, je vous propose de voir la fin du 5ème épisode dans les deux versions :



Dans l'épisode 5, Tao a enlevé Zia. Parti à sa poursuite, Esteban se retrouve finalement dans la cabane du kidnappeur.

Dans la version originale japonaise, l'épisode se termine au moment où Tao menace de tuer Esteban. C'est un des meilleurs cliffhangers que l'on puisse faire. En mettant le héros face à un danger de mort, le réalisateur donne à coup sûr au téléspectateur l'envie de voir le prochain épisode.

Dans la version française,
l'épisode continue après le cliffhanger. Les français ont mis à la suite le début de l'épisode suivant. Tao se calme et Esteban s'explique. Finalement, ils mangent des fruits en rigolant.
C'est encore une fin heureuse.



Les 6 premiers épisodes de la série se terminent tous par des cliffhangers en version japonaise. 3 d'entre eux ont été modifiés par les français.
Les cliffhangers conservés sont celui de l'épisode 2 (l'arrivée dans le terrible détroit de Magellan), celui de l'épisode 3 (la dangereuse tornade qui approche) et celui de l'épisode 6 (la découverte du fantastique bateau de Mu).
Ce sont les cliffhangers les plus anxiogènes et les plus violents qui ont été transformés en fin heureuses. Les français ne voulaient certainement pas finir des épisodes sur une note trop inquiétante pour les enfants.





MAIS ENCORE...

A partir du 7ème épisode de la série, les français ne modifient plus le montage des épisodes. Quand ils veulent faire des changements, ils se mettent d'accord avec les créateurs japonais. Ainsi, il n'y a plus qu'un seul montage par épisode.

D'après les réalisateurs français chargés de l'adaptation, Bernard Deyriès et Edouard David, les changements qu'ils ont demandés étaient peu nombreux. Ils consistaient à accélérer le rythme des épisodes, à censurer ce qui aurait pu choquer les enfants et à supprimer la plupart des cliffhangers.
Seuls certains cliffhangers ont été conservés comme, par exemple, celui de l'épisode 17 (la découverte du Grand Condor) ou celui de l'épisode 37 (l'ouverture de la Cité d'Or).





A la semaine prochaine !

Et n'hésitez pas à me poser des questions sur l'adaptation de la série dans les commentaires ou en m'écrivant à cette adresse : lmcd.perdudanslatraduction@gmail.com

4 commentaires:

  1. C'est avec un immense plaisir que je lis ton blogue à chaque semaine. Ce que tu y relates est aussi intéressant qu'instructif. Le processus d'adaptation de toute oeuvre est en soit fascinant mais la conversion du japonais au français des Cités d'Or est dans une classe à part. Bravo pour ton beau travail et merci de partager ça avec nous!

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  2. Merci Mathieu.
    Je devais partager ça. Ca fait trop d'années que j'entends que la série a été écrite par des français...

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    Je pense avoir compris pourquoi les français ont supprimé les cliffhanger. En effet, Chalopin dit que personne en Europe ne veut acheter un feuilleton, d'autant moins qu'il ne peut en présenter qu'une vague description sur papier (pas d’épisode pilote). Pour vendre sa série et convaincre les chaines de le financer, Chalopin annonce donc qu'il y aura une progression globale sur les 39 épisodes, mais que chaque épisode formera une entité indépendante. Je pense que c'est pour respecter ce cahier des charges que les français ont rajouté ces happy end, quitte à perdre en intensité dramatique.

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